Eléments de langage (2018-...)
Le nouveau Ministère de l'Agriculture
Diverses formes : éditoriale, installation, performance
(ci-dessus Photographies prises aux Archives Nationales et Lecture performée au centre d'art La graineterie, Houilles, 2023- Photos S. Sagot et Julie Sicault Maillé)
« La France a besoin dans dix quinze vingt ans d’une agriculture marquée par sa puissance et son caractère libéral. »
Jacques Chirac, Ministre de l’agriculture et du développement rural,
Congrès des agriculteurs des régions de montagne, Clermont Ferrand, 1972.
Quelles que soient les orientations politiques des différents gouvernements, les politiques agricoles se construisent dès le 19ème siècle sur une idéologie productiviste et industrielle dans laquelle le progrès s’appuie sur l’idée d’une nature à exploiter.
Le Nouveau Ministère de l’Agriculture constitue ses Eléments de langage, un lexique pour porter sa politique, et étudie les mots de cette agriculture moderne qui n’a eu de cesse de “rationaliser” la production dans une perspective de développement des rendements et une quête de croissance. Il a mené des recherches aux Archives Nationales sur les discours des ministres de l’agriculture depuis la fondation du ministère en 1836. Des fragments de texte synthétisant de grandes lignes politiques, ou encore des éléments plus anecdotiques prêtant à sourire, sont extraits des discours.
Assemblés dans une construction dynamique, ils sont lus et diffusés sous la forme d’une installation sonore augmentée d’une édition permettant au visiteur de se saisir de cette histoire.
Classés par ordre chronologique, ils restituent les idéologies et les enjeux de leur époque autour de notions clés telles que la productivité, la rentabilité, l’innovation, le progrès, l’économie de marché, la tradition, la technologie… Si des sujets de bien-être animal, d’environnement ou de paysage viennent progressivement nuancer les propos et ouvrent à de nouvelles préoccupations, écologiques notamment, les lignes directrices mettent en avant un système qui ne se remet quasiment pas en question.
Dans ces discours presque exclusivement prononcés par des hommes, la Nature n’est pas envisagée comme entité vivante mais comme une ressource de même que le travail de la femme n’est jamais reconnu, ainsi qu’en témoigne le terme ‘femme d’exploitant’.
Ces éléments de langage montrent comment des champs de connotation liés à la raison, à la rationalité, à l’innovation et à la scientificité viennent habiller des logiques extractivistes qui, du point vue écologique et social, peuvent aujourd’hui apparaître comme des antonymes en étant irrationnelles et déraisonnables. Souvenons-nous à ce titre que pour Platon la perversion de la cité commence par la fraude des mots.
Ci-dessous : (photographies S. Sagot)
- Revue Lili, La Rozell et Le Marimba, N°3, Vernaculaire et création, 2020, Centre d'art La criée (mise en page Jocelyn Cottencin)
- Installation sonore avec lecture des discours, Centre d'art La cuisine, 2018
- Lecture performée et affichage des discours (mise en page Jocelyn Cottencin) au centre d'art La graineterie, Houilles, 2023
- photographie prise aux Archives Nationales